Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

La politique centralisatrice des ducs de Bourgogne


A la veille de la période que l’on allait appeler « Temps modernes », il devenait impérieux de rationaliser la gouvernance des diverses possessions bourguignonnes afin de la rendre plus efficace. Philippe le Hardi dans un premier temps, mais surtout Philippe le Bon, vont s’atteler à cette tâche.

Toucher aux traditions médiévales exclusivistes telles que les privilèges, monopoles ou autres immunités, n’allait pas tarder à engendrer, comme nous le verrons plus loin, des émeutes et des conflits. Aussi Philippe le Bon comprit-il que s’il voulait garder l’affection de ses sujets, il devrait maintenir les institutions régionales et se borner à leur superposer des institutions centralisatrices de contrôle. Il allait réaliser son projet avec un certain doigté …

Les institutions financières et judiciaires

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1. Les Conseils provinciaux

Déjà sous Louis de Maele et les premiers ducs de Bourgogne, avaient été créés des organismes chargés de servir de Cour suprême de Justice et de Cour d’appel pour les tribunaux des Communes. En Flandre, cette Cour se nommait Conseil de Flandre.

Philippe le Bon l’établit à Gand. Composé de juges professionnels, inamovibles, nationaux, ce Conseil fonctionna d’une manière excellente. Dans ses relations avec le pouvoir central, il se servait de la langue française, mais le libre emploi des 2 langues était en usage pour les enquêtes et les plaidoiries. Le Conseil de Flandre rajeunit les procédures tout en respectant les anciennes coutumes.

Dans les autres provinces, il se constitua des organismes analogues nommés « Hoven » dans les provinces du Nord.

2. Les Chambres des Comptes

Les ducs de Bourgogne avaient de grands besoins d’argent pour couvrir leurs dépenses de guerre et frais de représentation. Pour ce faire, ils avaient régulièrement recours :

  • A la vente des charges et des emplois
  • Aux aides des provinces
  • A certains impôts
  • Aux subsides des classes privilégiées
  • Aux emprunts.

Philippe le Hardi avait créé en 1386 deux Chambres du Conseil ; Philippe le Bon en changea la dénomination en Chambres des Comptes et en ajouta une troisième. Ces collèges aidaient le prince à conclure avec les nations voisines d’avantageuses conventions monétaires et veillaient à ce que le trésor contienne à suffisance joyaux, écus et vaisselle d’or et d’argent.

Plus tard, Charles le Téméraire réunira les Chambres des Comptes en une seule qui siègera à Malines. La Chambre des Comptes comprenait 2 branches :

  • La Chambre du Trésor contrôlant les ressources des domaines ducaux
  • La Chambre des généraux qui contrôlait les ressources de caractère public

3. Le Chancelier de Bourgogne et le Grand Conseil ambulatoire

Grand Conseil de Malines
Le Grand Conseil de Malines 

Source : La Belgique, histoire et culture, p. 80

Au-dessus des Conseils de justice provinciaux et des Chambres des Comptes, un organisme central était nécessaire. Philippe le Bon avait un Conseil ducal composé de personnages éminents. A leur tête figurait le Chancelier de Bourgogne, premier conseiller et dépositaire du grand sceau. Ce Conseil n’avait ni résidence fixe, ni sessions régulières. Le duc le consultait pour trancher les problèmes compliqués ; il y introduisit des Flamands, des Picards, des Bourguignons appartenant à la petite noblesse, au clergé et même à la roture.

En 1446, Philippe le Bon transforma son Conseil en Grand Conseil ambulatoire, collège permanent, à personnel fixe, très dévoué, servant de Haute Cour de justice et d’assemblée chargée de préparer les décrets et les lois du prince.

Charles le Téméraire divisa ce Grand Conseil ambulatoire en

  • Conseil d’Etat chargé d’élaborer les décrets et les lois générales du souverain
  • Parlement ou Grand Conseil de Malines, tribunal suprême d’appel pour toutes les cours de justice du pays.

Les régimes représentatifs

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4. 
Les Etats provinciaux

A l’avènement de la dynastie bourguignonne, il existait déjà dans la plupart des principautés un régime représentatif : les Etats, constitués par la réunion périodique des 3 ordres (clergé, noblesse, villes). Ces Etats participaient au pouvoir souverain. Leur compétence s’étendait :

  • Aux travaux publics
  • Aux emprunts
  • A leur prérogative fondamentale : le vote annuel de l’impôt, prérogative à laquelle se rattachent les droits de pétition et de remontrance, exercés avec respect mais avec fermeté.

Malgré la création des institutions centralisatrices mentionnées ci-dessus, Philippe le Bon tenait à respecter les coutumes et les chartes provinciales. C’est ainsi qu’à son avènement, il prêta un serment d’inauguration solennel dans chacune des provinces :

  • A Bruxelles comme duc de Brabant
  • A Gand comme comte de Flandre
  • Etc…

Par ce serment, il jurait de régner « comme bon et loyal seigneur », respectueux des droits et privilèges de la province. En retour, les Etats provinciaux lui juraient fidélité. Philippe le Bon prendra toujours soin de ne jamais décréter un édit sans qu’il n’ait été enregistré et promulgué par les Conseils provinciaux de justice.


5. Les Etats Généraux

Philippe le Bon fit donc preuve d’une grande estime envers les Etats provinciaux.

Toutefois, pour atténuer l’action du régionalisme et afin de ne pas avoir à demander certains subsides d’intérêt général à chaque Etat séparément, il créa en 1463 des Etats Généraux composés de délégués choisis par les Etats provinciaux qui se réuniraient en une seule assemblée commune à Bruxelles.

  • Les membres des Etats Généraux ne pouvaient prendre de décision sans en référer à leurs commettants
  • A leur tour, les délégués des chefs-villes dans les Etats provinciaux en référaient aux membres de leurs villes.

Dans certaines villes ou dans certains métiers, le refus d’un seul membre pouvait paralyser la levée de l’aide dans tout le pays. Pour enrayer cet individualisme excessif, Philippe le Bon instaura le droit de compréhension, moyen pratique de passer outre en cas de mauvaise volonté évidente.

La Toison d’Or

En dehors des institutions centralisatrices, Philippe le Bon a également stimulé le loyalisme de la haute noblesse en la groupant au sein de l’Ordre célèbre de la Toison d’Or (1430). Il comprenait à l’origine 31 membres présidés par le duc. En créant cet Ordre, Philippe le bon voulait montrer qu’il était l’égal d’un roi.

La mission de ces 31 chevaliers « sans peur et sans reproche » était assez vague. Ils devaient veiller à l’honneur, l’accroissement, la tranquillité et à la prospérité de l’Etat.

Pendant les cérémonies, les chevaliers de la Toison d’Or portaient des vêtements magnifiques et un grand collier d’or dont le pendentif était un bélier.

Toison d'Or Chevaliers de la Toison d'Or
La Toison d’Or Chevaliers de la Toison d’Or

L’armée

A l’exemple de la France, Charles le Téméraire décida de créer une armée permanente : les compagnies d’ordonnance. Ces régiments permanents succédèrent aux milices communales et aux troupes féodales auxquelles le pouvoir central ne pouvait pas faire suffisamment confiance.

Les compagnies d’ordonnance se recrutaient par engagement de volontaires, surtout parmi la noblesse. Elles comprenaient à la fois des hommes d’armes et des archers, qui servaient à cheval, et des fantassins.

Compagnies d'ordonnance
Compagnies d’ordonnance

Source : Nos Gloires – J-L Huens

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