Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Georges Simenon

Georges Simenon


Ecrivain belge de langue française, Georges Simenon rénova le genre du roman policier par son sens de l'analyse psychologique et par la restitution à la fois réaliste et poétique de l'atmosphère d'une ville ou d'un milieu social.

Il est le créateur du personnage du Commissaire Maigret, qui lui valut une renommée internationale.

Sa jeunesse

Simenon - Lettre à ma mère
Lettre à ma Mère (1974)

Georges Simenon naît à Liège le 12 février 1903, comme stipulé dans le registre de l’état civil. En réalité, il est né le vendredi 13 février à 0h10, mais la superstition de sa mère aidant, elle supplia son mari de faire une fausse déclaration pour ne pas jeter un mauvais sort. Etait-ce là le souci d’une mère désireuse de placer son nouveau-né sous les meilleurs auspices ? L’avenir le démentira puisqu’elle le négligera au profit de son frère cadet, engendrant un climat de tension au sein de la famille. L’auteur évoquera cet épisode dans sa « Lettre à ma Mère » où il confessera :

« Nous ne nous sommes jamais aimés de ton vivant, tu le sais bien. Tous les deux, nous avons fait semblant … »

A l’école où il suit un enseignement catholique, Georges est un élève prometteur, notamment dans les matières littéraires. Très jeune, il se passionne pour les romans d’Alexandre Dumas, de Charles Dickens, d’Honoré de Balzac et de Robert Stevenson. Toutefois, à la puberté, il rompt brusquement avec les études et l’Eglise : après avoir renoncé aux humanités au profit d’une formation plus scientifique, il abandonne définitivement l’école avant l’examen final. Il a 15 ans !

Simenon - Au Pont des Arches
Au Pont des Arches (1921)

Au travail !

Après avoir interrompu prématurément sa scolarité et exercé plusieurs petits boulots sans lendemain, Simenon décide de gagner sa vie par la voie du journalisme. Il est engagé à « La Gazette de Liège » comme reporter à tout faire. Il rend compte des faits divers et rédige quotidiennement un billet d’humeur. Cette période journalistique lui permet d’explorer les dessous de la vie d’une grande ville, de la politique et de la criminalité, mais aussi de fréquenter la vie nocturne et d’apprendre à rédiger de façon efficace.

Pendant ses loisirs, il s’essaie au roman et publie en 1921 un petit roman humoristique sur les mœurs liégeoises, « Au Pont des Arches » qu’il signe du pseudonyme de « Georges Sim ». Il écrira un second roman, « Jehan Pinaguet » qu’il ne publiera pas (il le sera seulement en 1991, après la mort de l’écrivain).

A partir de 1923, il se lance dans une littérature alimentaire qui lui permet de gagner largement sa vie tout en se perfectionnant au métier de romancier. Sous divers pseudonymes, il publie en l’espace de 10 ans :

  • Un millier de contes
  • Quelque 200 romans populaires de tous genres (sentimentaux, érotiques, policiers et d’aventures).

En 1929, il crée le personnage du Commissaire Maigret qui connaît immédiatement un franc succès. Simenon se sent alors capable d’écrire, ce qu’il appellera « des romans durs », c’est-à-dire des romans dont le caractère psychologique est plus fouillé.

Voyages et déménagements

Sans jamais cesser d’écrire, Simenon trouve le temps de voyager et de déménager à de multiples reprises.

La France

Gentilhommière de Simenon
La gentilhommière près de La Rochelle

Au lendemain du décès de son père, Simenon quitte Liège pour s’établir à Paris en décembre 1922. Sa créativité exceptionnelle l’enrichit et lui permet de fréquenter le Tout-Paris des « années folles ». Il y changera plusieurs fois de domicile.

A la fin des années 1920, Simenon décide de quitter l’ambiance de la capitale et de s’embarquer sur un bateau. Il effectue le tour de France sur les canaux et les rivières et tire de cette expérience la matière de plusieurs romans.

De retour sur la terre ferme, le couple décide de s’installer à la campagne dans une gentilhommière près de La Rochelle. En 1940, l’écrivain sera nommé haut commissaire aux réfugiés belges et résidera en Vendée pendant toute l’occupation allemande. La libération va cependant causer quelques soucis au romancier qui sera assigné à résidence et devra subir plusieurs interrogatoires. La procédure terminée, Simenon ne songe plus qu’à quitter la France.

Voyages, voyages …

Au cours des années 1930, Simenon voyage et effectue de nombreux reportages dans le monde entier :

  • L’Afrique
  • L’Europe de la crise
  • Les pays de l’Est
  • La Turquie
  • La Russie
  • Le tour du monde en 1934-35.

L’Amérique

La procédure d’épuration, l’instabilité politique et les règlements de comptes qui succèdent à la fin de la Deuxième Guerre mondiale ont ébranlé Simenon. De 1945 à 1955, il va vivre en Amérique, aux Etats-Unis et au Canada. Il résidera successivement à New York, au Québec, en Floride, en Arizona, près de la frontière mexicaine et dans le Connecticut.

Malgré son attrait incontestable pour le Nouveau Monde, Simenon ne parvient pas vraiment à s’intégrer dans ce décor qui le change peut-être un peu trop de sa terre natale.

En 1955, il revient en France où il s’installe dans les Alpes Maritime puis à Cannes pendant 2 ans, avant de chercher, encore une fois, un nouveau refuge. Ce sera en Suisse, un pays à la fois tranquille et un paradis fiscal !

La Suisse

Simenon - Villa à Epalinges
La villa à Epalinges

Source : Le Soir Magazine 2003

Simenon s’installe dans un château du 16e siècle à Echandens dans le Vaud. Mais le château perd rapidement de son charme et l’écrivain décide cette fois de faire construire une gigantesque villa de 25 pièces sur les hauteurs du Lac Léman à Epalinges.

En 1972, alors qu’il vient d’annoncer qu’il mettait fin à la littérature romanesque, Simenon quitte son immense maison d’Epalinges et acquiert successivement à Lausanne :

  • Un appartement en ville
  • La « Petite maison rose »

Simenon et les femmes

On a dit de Simenon qu’il était l’homme aux 400 livres et aux 10.000 femmes. Tout en étant excessif, cela montre néanmoins que les femmes ont occupé une place importante dans la vie de l’écrivain. Il aura 2 épouses régulières et une compagne fidèle. Et puis, il y aura les innombrables maîtresses et filles de joie …

Trois tranches de sa vie
  • Régine Renchon qu’il appelle affectueusement Tigy. Il l’a connue à Liège alors qu’elle était étudiante en beaux-arts. Elle représente son « premier amour de jeunesse sur lequel un jeune homme reporte tous ses rêves ». Il l’épouse en 1923 ; ils resteront mariés pendant plus de 20 ans. Leur fils, Marc naît en 1939.
  • Denyse Ouimet, une canadienne de 17 ans sa cadette. Il la rencontre aux Etats-Unis, en fait sa maîtresse et l’installe aux côtés de sa femme légitime. En 1950, il divorce d’avec Tigy et épouse Denyse qui lui a donné un fils, John, en 1949. En 1953 naîtra leur fille Marie-Jo.
    Simenon vit avec Denyse une union passionnée et maladive qui l’entraîne au bord du suicide.
  • Teresa Sburelin : Femme de chambre italienne du couple depuis 1961, Simenon aura, dans un premier temps, une relation amoureuse avec elle. Après le départ de Denyse en 1964, elle deviendra sa fidèle compagne des dernières années. Avec elle, il rencontre ce qu’il appelle « le véritable amour, fondé sur l’intégration de deux êtres »

Simenon et Régine Renchon Simenon et Denyse Ouimet Simenon et Teresa Sburelin
Régine Renchon (Tigy) Denyse Ouimet Teresa Sburelin
Et les autres femmes …

Laissons la parole à Simenon, elle résume parfaitement son sentiment :

« J’avais faim de la femme et de toutes les femmes. Et c’est malheureux car il y a des quantités de femmes que je ne connaîtrai pas ».

Le style Simenon

Simenon se veut un auteur populaire, facile à lire. Il est convaincu que les mots masquent ou faussent la vérité plus qu’ils ne la livrent. Ses héros ne disposeront de ce fait que d’un millier de termes pour s’exprimer et, lui-même, en utilisera à peine davantage pour bâtir ses nombreux romans. Avec des mots simples, l’auteur essaie de peindre l’Homme aux prises avec son destin et le décrit dans sa complexité tout en racontant simplement les choses. Il choisit délibérément un style neutre, le moins encombré d’effets littéraires.

Le choix des personnages obéit aux mêmes règles : des êtres simples, peu évolués, car ce qui intéresse l’auteur, chez l’homme ou chez la femme, ce sont les instincts de base, les préoccupations immédiates d’argent, de sexe, de nourriture, les réactions spontanées aux problèmes de la vie quotidienne.

Simenon se garde bien d’expliquer ses personnages et de démonter les rouages d’un mécanisme psychologique. Il se contente de donner des renseignements et des repères, ce qui permet au lecteur de créer lui-même le personnage ou le décor et de combler les vides avec son propre imaginaire.

L’œuvre de Georges Simenon

Simenon au travail
Le bureau et les pipes de Simenon

Source : Le Soir Magazine - 2003

Simenon est un romancier d’une fécondité exceptionnelle. Il a publié :

  • Sous son propre nom :
    • 192 romans
    • 158 nouvelles
    • Plusieurs œuvres autobiographiques
    • De nombreux articles et reportages
  • Sous l’un de ses 27 pseudonymes :
    • 76 romans
    • Des dizaines de nouvelles
    • Des contes galants
    • Des articles

Son œuvre a été traduite en 55 langues, publiée dans 44 pays et vendue à quelque 550.000.000 d’exemplaires !

Il serait fastidieux de vouloir dresser la liste exhaustive des écrits de Georges Simenon. En voici toutefois une synthèse :

La littérature alimentaire

  • Le roman d’une dactylo (premier roman populaire écrit dans un café parisien)
  • Contes pour des hebdomadaires
  • Romans populaires
Simenon devant quelques romans
Georges Simenon devant quelques-uns de ses romans

Source : Le Soir Magazine - 2003

Les ouvrages autobiographiques

  • Je me souviens (1945)
  • Pedigree (1948)
  • Quand j’étais vieux (1960)
  • Lettre à ma mère (1974)
  • Mémoires intimes (1981)

Parmi les 117 « romans durs », on retiendra notamment

  • Le Relais d’Alsace (1931)
  • Les fiançailles de M. Hire (1933)
  • La maison du canal (1933)
  • Le coup de lune (1933)
  • Les inconnus dans la maison (1940)
  • La veuve Couderc (1942)
  • Trois chambres à Manhattan (1946)
  • La neige était sale (1948)
  • La mort de Belle (1951)
  • Feux rouges (1953)
  • La boule noire (1955)
  • Le passage de la ligne (1958)
  • Le train (1961)
  • Les anneaux de Bicêtre (1963)
  • Le petit saint (1965)
  • Le chat (1967)

Les « Dictées »

En 1972, alors qu’il avait annoncé officiellement sa retraite, Simenon s’occupe en dictant au magnétophone des souvenirs, des confidences et des bavardages sur l’actualité. Ces « dictées » seront recueillies dans 22 volumes.

Sculpture de Maigret
Sculpture de Maigret à Delfzijl (NL)

Oeuvre de Pieter d’Hont

Le Commissaire Maigret

Le célèbre commissaire apparaît pour la première fois en 1929 dans une série de nouvelles pour le magazine « Détective » avant de faire son entrée officielle dans un premier roman policier : « Pietr-le-Letton ».

A la lecture des premiers manuscrits de la série, l’éditeur n’est pas enthousiaste et doute du succès potentiel que pourraient connaître les « Maigret ». Il se justifie en déclarant que :

  • Ce ne sont pas des romans policiers
  • Ce n’est pas scientifique
  • Il n’y a pas de jeune premier ni d’héroïne
  • Il n’y a pas de personnage sympathique
  • Cela finit mal puisqu’on ne se marie pas.

Bref, cela n’intéressera même pas 1.000 lecteurs !

Nul n’est besoin de souligner à quel point il s’est trompé … Le commissaire Maigret mènera à bonne fin 103 enquêtes réparties en 75 romans et 28 nouvelles qui seront publiés dans le monde entier et portés à l’écran ainsi qu’à la télévision.

Une fin paisible

En 1984, Simenon est opéré d’une tumeur au cerveau dont il se rétablit plutôt bien. Désormais, il ne quitte plus un instant sa compagne Teresa avec qui il fait encore quelques promenades au bord du Lac Léman. Mais à partir de 1987, sa santé se dégrade brusquement et la paralysie le gagne progressivement ; il doit se déplacer en chaise roulante.

Le 4 septembre 1989, à 3h30, Georges Simenon prend la main de Teresa et s’éteint doucement à son domicile de Lausanne. A l’âge de 86 ans, il meurt comme il l’avait rêvé : « Vieux et enfin apaisé, innocent comme un enfant de chœur ».

Il est incinéré le 6 septembre et Teresa disperse ses cendres sur l’herbe de leur « petite maison rose », à l’ombre du grand cèdre, comme il l’avait fait lui-même, 11 ans plus tôt, avec les cendres de sa fille Marie-Jo qui s’était suicidée à l’âge de 25 ans.

Jardin de la petite maison rose
Le jardin et le cèdre de la petite maison rose

Source : Le Soir Magazine - 2003

Contexte historique :

Quelques célébrités belges