Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Rennequin Sualem

Rennequin Sualem


Maître-charpentier et mécanicien liégeois, Rennequin Sualem est le concepteur d’une roue hydraulique qu’il adaptera afin d’alimenter en eaux les jardins du château de Versailles.

Pompage de l'eau d'exhaure
Pompage de l’eau d’exhaure

Renkin ou Rennequin ?

Renkin Sualem naît le 29 janvier 1645 à Jemeppes-sur-Meuse.

Issu d’une famille de maîtres-charpentiers des mines de Liège, le jeune garçon doit gagner sa vie au lieu de fréquenter l’école. C’est tout naturellement qu’il emprunte la même voie que son père et commence par apprendre le métier de charpentier sur le tas.

Or, il se fait qu’à l’époque, la principauté de Liège est déjà très active dans la construction de machines hydrauliques destinées à résoudre le problème de l’exhaure dans les houillères. Curieux et intelligent, le jeune Renkin n’a pas les yeux en poche et observe attentivement ce qui se passe autour de lui, notamment la mise en place des dispositifs chargés d’éliminer les eaux d’infiltration. Rapidement, la mécanique devient sa nouvelle passion.

Le jeune homme s’appelle encore Renkin, mais bientôt son nom sera davantage francisé et il sera plus connu sous celui de Rennequin.

Le défi de Modave

Le château de Modave, situé entre Liège et Namur, est implanté sur un piton rocheux qui domine la vallée du Hoyoux. Détruit au début du 17e siècle, le comte de Marchin, alors propriétaire du château, le fait reconstruire et veut lui donner l’apparence et le faste d’un château français entouré de jardins et de jeux d’eau.

Le problème s’avère complexe car il faudra pomper l’eau du Hoyoux et l’amener 60 mètres plus haut. S’inspirant du principe des machines d’exhaure, Renkin relève le défi et, en 1670, met au point la « Machine de Modave » : une seule roue à aubes actionne, au moyen de balanciers, 8 pompes horizontales qui refoulent l’eau dans une conduite unique reliée à un réservoir. L’eau atteint le château et jaillit dans le bassin de la cour d’honneur.

Le pari est gagné !

Château de Modave Machine de Modave
Le château de Modave La machine de Modave


Mais dans l’ombre, quelqu’un songe déjà à tirer parti du génie de Renkin. Arnold de Ville, ami du comte de Marchin, recherche avidement les honneurs et les dignités. Ses fréquentes visites au château lui permettent d’admirer et d’étudier la machine construite par Sualem ...

Cap sur Versailles

Louis XIV
Louis XIV

Source : Wikipedia

L’ambition d’Arnold de Ville l’amène, dans un premier temps, à proposer à Louis XIV un projet de pompe pour élever l’eau de la Seine vers le château de Val dans la forêt de Saint-Germain. Il se garde bien d’avouer que les travaux sont réalisés sur les plans de Renkin Sualem. La réussite de ce projet lui permet alors de proposer au roi une pompe plus importante pour alimenter en eau les jardins de Versailles, une préoccupation qu’il sait constante chez le Roi-Soleil.

La proposition est acceptée et de Ville, qui n’a pas les compétences techniques, fait tout naturellement appel au savoir-faire de Renkin Sualem et de son frère Paulus pour concevoir et construire ce qui deviendra la « Machine de Marly ».

La Machine de Marly

Gigantesque dispositif de pompage des eaux de la Seine entre Bougival et Port-Marly, la machine de Marly comprend 14 roues à aubes de 12 mètres de diamètre permettant d’élever l’eau de 163 mètres sur une distance de 10 km. L’ensemble des travaux va durer 6 ans et nécessitera la construction :

  • de la machine elle-même
  • d’un chenal et de digues sur la Seine
  • d’un réseau d’aqueducs
  • de bassins

La mise en œuvre d’un tel chantier ne peut que mobiliser des moyens impressionnants :

  • 1.800 ouvriers, dont une majorité de Liégeois réputés pour le savoir-faire acquis par les travaux d’hydraulique dans les mines.
  • 100.000 tonnes de bois
  • 17.000 tonnes de fer
  • 800 tonnes de plomb
  • 800 tonnes de fonte
  • 860 tonnes de cuivre

A noter que, puisque la dénivellation est supérieure à 150 m, la montée devra être divisée en 3 paliers de 50 m avec 2 puisards et 2 bassins intermédiaires munis de pompes. La machine comptera au total plus de 250 pompes.

Croquis de la machine de Marly

Vue d'ensemble de la machine de Marly

Versailles - Le Bassin d'Apollon

Croquis de la machine
Source : Wikipedia

Vue d’ensemble de l’ouvrage
Source : Wikipedia

Le résultat : Le Bassin d’Apollon
Source : Wikipedia – Eric Pouhier


Considérée comme la plus complexe du 17e siècle, il convient, bien entendu, d’assurer le fonctionnement et l’entretien de la machine. En plus des artisans wallons, plus d’une soixantaine d’ouvriers y sont commis. Parmi eux, des charpentiers, des menuisiers, des plombiers, des forgerons et des gardes.

La machine était appelée à fonctionner sans interruption, jour et nuit. Constituée à 90 % de bois, elle s’est détériorée au fil des ans. Dans le courant du 18siècle, il fut décidé d’arrêter son entretien, ce qui accélérera encore sa dégradation.

La satisfaction de Louis XIV

Arnold de Ville
Arnold de Ville

Après la fin des travaux et la réussite de la démonstration, Louis XIV récompensa les protagonistes de l’ouvrage :

  • Rennequin Sualem fut nommé « Premier ingénieur du Roy » et anobli. Il fut gratifié d’une modeste pension et chargé de l’entretien permanent de la machine. Au roi, qui lui demandait comment il avait eu l’idée de cette machine, il répondit en wallon « Tot tuzant, sire » (En y réfléchissant, sire). Il faut dire que Rennekin ne parlait que le wallon de Liège, ce qui ne manquait pas d’amuser Louis XIV qui l’avait pris en amitié.
  • Arnold de Ville jouit de tous les honneurs à la Cour. Le Roi lui fit un don de 100.000 livres, lui fit bâtir une magnifique habitation et le nomma gouverneur de la machine avec 6.000 livres de gratification annuelle. Après s’être considérablement enrichi, il en profita pour se hisser dans l’aristocratie. Toutefois, lorsqu’il s’avéra qu’il s’était attribué indûment les mérites de la machine de Marly, de Ville fut mis en disgrâce par le Régent, Philippe d’Orléans, et dut se retirer au château de Modave qu’il avait acheté en 1706.

Message à la postérité

Rennequin Sualem termine sa vie en France le 29 juillet 1708. Il est enterré dans l’église de Bougival, à proximité de son chef d’œuvre.

Afin de dissiper les doutes et allégations répandus par de Ville, les descendants de Sualem firent inscrire le message suivant sur sa pierre tombale :

« Cy gissent honorables personnes, sieur Rennequin Sualem, seul inventeur de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de 64 ans, et dame Marie Nouelle son épouse, décédée le 4 mai 1714, âgée de 84 ans […]».

Epitaphe sur la tombe de Rennequin Sualem
Epitaphe

Contexte historique :

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