Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Les réformes françaises


Le décret d’annexion de 1795 fit donc de tous les Belges des citoyens français et les soumit aux institutions et aux lois françaises. Par conséquent, toutes sortes de réformes inspirées par le souci d’égalité et d’uniformité vont être introduites en Belgique, abolissant par la même occasion les institutions et les privilèges de l’Ancien Régime.

Les réformes portèrent sur :

  • La politique et l’administration
  • La justice
  • La fiscalité et la politique monétaire
  • La conscription
  • La politique religieuse
  • L’enseignement

Il convient de préciser que certaines réformes n’ont été appliquées que de manière temporaire, le régime politique français ayant été sujet à des remaniements parfois radicaux.

Politique et administration

L’organisation est uniformisée dans l’ensemble des provinces belges.

Les départements

Les provinces belges sont divisées en 9 départements, appelés « départements réunis ». Chaque département est dirigé par un préfet nommé par Paris (le préfet remplace l’ancienne dénomination de « commissaire ») :

Les départements réunis
Les départements réunis

Source : La Belgique, sociétés et cultures depuis 150 ans, p. 12

DépartementChef lieuProvince actuelle

Lys

Bruges

Flandre Occidentale

Escaut

Gand

Flandre Orientale

Deux-Nèthes

Anvers

Anvers

Meuse-Inférieure

Maastricht

Limbourg

Dyle

Bruxelles

Brabant

Ourthe

Liège

Liège

Jemappes

Mons

Hainaut

Sambre-et-Meuse

Namur

Namur

Forêts

Luxembourg

Luxembourg

 

  • Chaque département est partagé en cantons (nommés plus tard « arrondissements ») dirigés par des sous-préfets
  • Chaque canton est subdivisé en municipalités administrées par des maires
  • Les communes de moins de 5.000 habitants sont groupées en « municipalités de canton ».

Les départements n’ont pas d’unité linguistique. Ainsi, par exemple :

  • Les régions francophones de Comines et de Menin sont rattachées au département de la Lys.
  • Le département de Jemappes compte quelques communes flamandes
  • Le département de l’Escaut se voit attribuer des communes wallonnes
  • Le département de la Dyle comprend les communes du Brabant Flamand et du Brabant Wallon
  • Les départements de la Meuse-Inférieure, de l’Ourthe et des Forêts comprennent des régions germanophones
  • Seul de département de Sambre-et-Meuse est exclusivement francophone.

La Constitution prévoit l’élection des administrations départementales et municipales.

Autres réformes

  • Organisation de l’état civil et tenue de registres de naissance, de mariage et de décès
  • La pratique du mariage civil est autorisée et précède le mariage religieux
  • Le divorce par consentement mutuel est légalisé
  • Des commissions d’assistance publique remplacent les institutions charitables soumises au clergé
  • Abolition de la société féodale, de ses privilèges et des corporations
  • Instauration de la liberté de travail, du commerce et de l’industrie
  • Accessibilité de tous aux fonctions publiques
  • L’usage du calendrier républicain est obligatoire jusqu’en 1805
  • Le français est imposé comme langue exclusive de la vie publique. Ainsi, la francisation progresse en Flandre, mais elle est forcée et non spontanée comme aux siècles précédents
  • Introduction du système métrique

La Justice

Code civil napoléonien
Code civil napoléonien

Source : Wikipedia

La législation française est introduite dans l’ensemble des départements réunis. Un recueil de 438 lois est promulgué à leur intention.

L’organisation de la justice est simplifiée :

  • Chaque canton dispose d’une justice de paix
  • Dans chaque arrondissement on trouve un tribunal de première instance et un tribunal correctionnel
  • Chaque département possède une cour d’assises avec un jury
  • Au niveau supérieur, 3 cours d’appel siègent à Bruxelles, Liège et Metz (pour le département des Forêts)
  • La cour de cassation se trouve à Paris

Dans tous ces tribunaux, le nouveau Code civil napoléonien est utilisé à partir de 1804, le nouveau Code de commerce en 1807, le Code d’instruction criminelle en 1808 et le Code pénal en 1810.

Fiscalité et politique monétaire

Un nouveau système de contributions fut appliqué sur toute l’étendue des départements réunis. Quoique considérables et appliqués sur les biens meubles et immeubles, les nouveaux impôts sont équitablement répartis.

  • Les impôts directs étaient les plus importants.
  • Des contributions indirectes, nommées droits réunis, sont appliquées, entre autres, sur les boissons et le tabac
  • Les commerçants et les industriels doivent s’acquitter d’un droit de patente.

Tous les impôts sont payables uniquement en monnaie d’or et d’argent.

La France révolutionnaire avait vu dans les Pays-Bas, dont les revenus étaient évalués à 40.000.000 de livres, une garantie pour l’émission des assignats. Toutefois, afin d’assainir la situation monétaire, le directoire arrêta l’émission des assignats qui perdirent de ce fait leur cours légal. C’est à ce moment-là que le franc fut mis en circulation.

Franc germinal
Franc germinal

Source : Wikipedia

La conscription

Une armée composée de citoyens remplace dorénavant l’armée de métier ; à l’ancien volontariat succède ainsi la conscription qui enrôle dans l’armée française tous les jeunes gens de 20 à 25 ans.

Les Belges n’avaient jamais consenti à se soumettre au service militaire par contrainte qui aurait privé les agriculteurs de leur main-d’œuvre la plus valide. Aussi, dès que furent placardées les premières affiches appelant les conscrits sous les drapeaux, un mouvement de révolte se dessina. Ce fut le début de la guerre des paysans.

Guerre des paysans
La guerre des paysans

Source : Un passé pour 10 millions de Belges, p. 91

Cette insurrection n’avait pas le but ambitieux d’affranchir les provinces belges du joug français. Il fallait plutôt y voir la volonté des paysans de mourir en partisans, près de leurs villages, plutôt que comme conscrits sur un lointain champ de bataille.

Les paysans s’étaient armés de fourches, de fléaux et d’armes à feu disparates. Ils pénétraient par bandes dans les villages, massacraient les autorités et confisquaient les caisses publiques puis se dispersaient.

Cette guérilla désordonnée dura une dizaine de mois et se solda par un échec. Elle fut sévèrement réprimée.

La politique religieuse

La sécularisation de la société, déjà entamée sous l’Ancien Régime, s’accéléra : la volonté d’éradication de l’influence de l’Eglise dans l’Etat était nette.

Réformes de la France révolutionnaire

La législation révolutionnaire signifia la fin de la position privilégiée de l’Eglise catholique :

  • La religion catholique fut supprimée et remplacée par le culte de la Déesse Raison.
  • Les propriétés ecclésiastiques furent supprimées et vendues publiquement comme biens nationaux à l’aide d’assignats
  • L’Université de Louvain fut supprimée ainsi que quelques collèges tenus par des religieux
  • On ferma de nombreuses églises, on en démolit d’autres ou on les transforma soit en ateliers, soit en entrepôts pour les troupes
  • Les couvents et les abbayes furent supprimés. Les abbayes d’Aulne, de Lobbes, de Villers-la-Ville, d’Orval et bien d’autres furent livrées aux flammes
  • En 1797, le Directoire imposa un « serment de haine à la royauté ». Plus de 8.000 prêtres réfractaires se refusèrent à le prêter et furent, soit contraints de se cacher pour échapper à la déportation, soit amenés à célébrer des « messes aveugles » suivies mentalement par les fidèles groupés, silencieux, sur les places publiques.
  • On établit des fêtes laïques en lieu et place des anciennes fêtes religieuses.

Destruction de l'abbaye d'Aulnes Messe clandestine
Destruction de l’abbaye d’Aulnes  
Source : Quand la Belgique était française, p. 17
Messe clandestine  
Source : Quand la Belgique était française, p. 15

Réformes de Napoléon Bonaparte

La politique religieuse du Premier Consul concourut à réconcilier les Belges avec le nouvel ordre des choses.

Le 15 juillet 1801, le Concordat conclu entre le pape et Bonaparte mettait fin au caractère antireligieux de la France révolutionnaire. L’Eglise acquit même une série de nouveaux privilèges :

  • Le haut clergé serait nommé par le Gouvernement et recevrait du pape l’investiture canonique
  • Le petit clergé serait choisi par les évêques avec le consentement du pouvoir civil
  • Dorénavant, les traitements du clergé et l’entretien de ses bâtiments seraient supportés par les caisses de l’Etat
  • Le dimanche était à nouveau respecté (malgré le calendrier révolutionnaire)
  • L’usage des cloches a été rétabli.

Les anciens Vonckistes et les bourgeois jacobins avaient, eux aussi des motifs de satisfaction : le clergé ne rentrait pas en possession de ses biens.

Le 6 mai 1802, le culte catholique fut solennellement rétabli :

  • Les églises profanées furent rouvertes
  • Les prêtres proscrits furent restaurés dans leurs fonctions
  • Le serment de haine à la royauté fut remplacé par une simple déclaration de fidélité à la Constitution.

Concordat Napoléon-Pie VII Pie VII prisonnier
Concordat entre Napoléon et Pie VII  
Source : Encyclopédie Alpha, p. 1577
Pie VII est fait prisonnier


Néanmoins, l’intervention incessante de Napoléon dans les affaires religieuses va encore provoquer de nombreuses crises entre l’Etat et l’Eglise. Sa nouvelle politique religieuse, qui introduit le catéchisme impérial (insistant sur les devoirs envers l’empereur) va dresser contre lui le clergé largement soutenu par l’opinion publique. L’attitude du peuple lui deviendra franchement hostile lors de ses démêlés avec le pape Pie VII qu’il va retenir prisonnier.

L’enseignement

Ecole centrale
Une école centrale

Source : Quand la Belgique 
était française, p. 160

Les Français ambitionnèrent d’imprimer leur empreinte sur l’enseignement de même que sur l’ensemble de la vie intellectuelle de notre pays

  • Le Directoire fonda, en 1795, une Ecole Centrale dans le chef-lieu de chaque département. Ces établissements devaient remplacer les antiques écoles latines et les collèges thérésiens avec un programme plus modernisé et surtout plus laïcisé.
  • En tant que dictateur, Napoléon a voulu asservir l’enseignement à ses desseins politiques. Les Ecoles Centrales furent supprimées à leur tour et remplacées par des lycées au caractère fortement militarisés et entièrement conçus en vue de la formation d’officiers et de fonctionnaires de l’Empire.
  • L’Université de Louvain avait déjà été supprimée en 1797, de telle sorte que notre pays fut privé pendant de nombreuses années de tout enseignement supérieur. Toutefois, dès 1803, on avait organisé dans quelques grandes villes des cours de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. Dès 1806, Bruxelles fut également dotée d’une Ecole de droit qui connut le plus vif succès.
  • En 1808, Napoléon réforma une nouvelle fois l’enseignement et le centralisa davantage, non seulement chez nous, mais également dans toute la France, afin de l’adapter davantage à sa politique. Dorénavant, l’Université Impériale grouperait tous les degrés de l’enseignement et en exercerait le contrôle.
    • L’Université se subdivisait en Académies ou centres d’enseignement supérieur
    • Les Académies se subdivisaient en arrondissements, centres d’enseignement moyen
    • Les arrondissements, en communes, centres d’enseignement primaire. En Belgique, les communes, généralement sans ressources, laissèrent les écoles primaires à l’abandon. Les locaux furent des granges, des ateliers ou des coins de cabaret. Les maîtres et les maîtresses d’école ne faisaient pas d’études sérieuses.
Annexion française