La politique intérieure
Au cours du règne de Léopold II, libéraux et catholiques vont se succéder au pouvoir jusqu’en 1884, date à partir de laquelle les catholiques gouverneront seuls jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le Roi devra tenter d’arbitrer les opinions divergentes de ces deux courants politiques et assistera même à la naissance d’un troisième mouvement : le Parti Ouvrier Belge.
La « guerre scolaire »
La loi de 1842 sur l’enseignement primaire, qui prévoyait encore le cours de religion comme obligatoire, fut remplacée par la loi de 1879 qui permit au Gouvernement de créer des écoles laïques officielles où le cours de religion était remplacé par un cours de morale. Le cours de religion n’était toutefois ni supprimé, ni interdit, mais serait dorénavant donné en dehors des heures de cours normales. Immédiatement les catholiques s’insurgèrent et organisèrent une lutte contre ces « écoles sans Dieu ». La Guerre scolaire était déclarée ! Des centaines d’écoles libres surgirent et au bout de 2 ans, elles comptaient déjà 66% de la population scolaire. Contrarié, le ministre libéral Frère-Orban rompit les relations diplomatiques avec le Vatican en 1880.
La nouvelle législation scolaire ne provoqua pas seulement une violente réaction de la part des catholiques, mais elle incita également le gouvernement à de fortes dépenses et par conséquent aussi à des charges plus lourdes. Après 5 années de luttes, l’affaire se termina à l’avantage des catholiques qui remportèrent en 1884 une éclatante victoire électorale.
Jules Malou devint le chef du nouveau cabinet avec 2 ministres particulièrement durs : Charles Woeste et Victor Jacobs.
Walthère Frère-Orban La Belgique centenaire, p. 162 |
Charles Woeste La Patrie belge, 1830-1930, p. 75 |
Victor Jacobs La Patrie belge, 1830-1930, p. 71 |
Léopold II intervint et s’exprima ainsi :
« Après 1879, les libéraux ont agi comme s’il n’y avait plus de catholiques dans le pays. L’intérêt des catholiques maintenant est de ne pas oublier qu’il y a en Belgique un très grand nombre de libéraux. Une revanche des catholiques paraît peu désirable ».
En vertu de ses prérogatives constitutionnelles qui l’autorisaient à révoquer les ministres, le Roi pria Woeste et Jacobs de démissionner, ce qu’ils firent sans discuter.
Quant au conseil du Roi, il ne fut malheureusement pas écouté : le fanatisme l’emporta sur la sagesse politique. Le nouveau ministère catholique de Jules Malou :
- Se hâta de rétablir la légation belge auprès du Vatican
- Fit voter une loi donnant aux communes la faculté d’adopter une école libre ou de maintenir une école officielle.
Des centaines de professeurs furent privés de leur emploi du jour au lendemain et la guerre scolaire reprit de plus belle.
Le problème flamand
C’est également au cours du règne de Léopold II que le problème flamand naquit dans certains esprits.
Le gouvernement provisoire avait fait du français la langue officielle de la Belgique tandis que le flamand, avec l’assentiment de la bourgeoisie francisée de la Flandre, fut complètement banni de la vie politique. Toutefois, petit à petit, une réaction surgit sous l’influence d’hommes de lettres comme Willems, David, Conscience et quelques autres.
Jan-Frans Willems Histoire de la Belgique et de son expansion coloniale |
Jan-Baptist David Histoire de la Belgique et de son expansion coloniale |
Hendrik Conscience Histoire de la Belgique en mots et en images |
Le peuple flamand commença peu à peu à prendre conscience de lui-même, ce qui le conduisit à une action tant culturelle que politique. Cette action se manifesta avec succès grâce au Willemsfonds (1851), à l’Antwerpse Meetingpartij (1862), au Davidsfonds (1875) et aux groupements estudiantins d’Albrecht Rodenbach.
A partir de 1873, des lois successives vont restaurer l’emploi du flamand en matières judiciaire et administrative. Il faudra toutefois attendre une loi de 1898 pour voir reconnaître le néerlandais, comme langue officielle à côté du français.
La défense du prolétariat
Jusqu’à la fin du 19e siècle la situation sociale de l’ouvrier était déplorable. Non seulement l’homme, mais aussi la femme et même l’enfant étaient assujettis à des prestations exagérées et intolérables. Longtemps, le prolétariat se plaignait de ses maigres salaires et des longues journées de 12 à 14 heures de travail, mais s’était finalement résigné à son sort.
Bien que les libéraux progressistes et les démocrates chrétiens, se soient déjà sérieusement préoccupés du sort des ouvriers, un mouvement ouvrier naquit sous l’impulsion de César De Paepe. Ce mouvement d’obédience marxiste préconisait ouvertement la lutte des classes. En avril 1885, le Parti Ouvrier fut fondé par la fusion de plusieurs groupements socialistes existants. Par la création de maisons du peuple, de syndicats, de mutualités et de coopératives, le nouveau parti prit bientôt un grand essor.
Entre-temps, les catholiques à tendances sociales comme l’abbé Daens, se conformant aux directives de l’encyclique « Rerum Novarum » (15 mai 1891) s’étaient également mis à l’ouvrage. En 1891, la Ligue démocratique belge fut fondée suivie par le Boerenbond, association pour la défense des intérêts de la paysannerie.
César De Paepe La Belgique centenaire, p. 172 |
Première Maison du Peuple à Bruxelles (1889) 150 ans de vie quotidienne, p. 27 |
L’abbé Daens La Belgique centenaire, p. 103 |
C’est sous le règne de Léopold II que les premiers progrès sociaux importants seront accomplis. Après les grèves sanglantes dans les charbonnages de Liège et de Charleroi, les Chambres furent contraintes de voter plusieurs lois sociales parmi lesquelles :
- Loi interdisant le travail des enfants de moins de 12 ans
- Loi interdisant d’occuper des femmes dans les mines
- Loi interdisant le travail de nuit aux femmes
- Loi sur la réparation des accidents du travail
Le droit de vote
En ce qui concerne le droit de vote, on accepta, sous la menace de grèves, une proposition de révision de la Constitution. En 1893, le suffrage universel plural fut admis. Le suffrage universel à voix unique ne sera adopté qu’au lendemain de la première guerre mondiale.