L’œuvre des archiducs Albert et Isabelle

L’archiduchesse Isabelle à la procession
de Laeken
Source : Bruxelles, où est le temps, p. 376
L’époque de la Trêve de 12 Ans fut relativement heureuse. Les provinces belges se relevèrent lentement de leurs ruines et la tranquillité dont jouissaient les habitants les rendaient reconnaissants envers leurs souverains. Ceux-ci se rendirent très populaires en se mêlant aux fêtes et aux réjouissances publiques.
Les archiducs profitèrent de cette période de paix pour prendre une série de mesures politiques, économiques et sociales.
Sur le plan législatif
Les Pays-Bas étaient encore régis par une multiplicité de législations et de particularismes correspondant à l’indépendance des provinces les unes par rapport aux autres.
En 1611, les archiducs firent procéder à la refonte du droit civil et criminel de toutes les provinces. Ce travail aboutit à la mise en œuvre des 47 articles de l’Edit perpétuel rendu obligatoire dans l’ensemble des Pays-Bas le 12 juillet 1611. Par la suite, ce premier code de lois belge sera complété par l’homologation de 36 coutumes et d’un grand nombre de réformes en matière de droit et de procédure.
Aspect financier
Les archiducs créèrent l’impôt permanent mais, dans le souci de respecter les privilèges, ils consultaient annuellement chaque province. Il s’agissait bien sûr d’une simple formalité car personne n’aurait osé refuser l’impôt !
Quelques autres impôts sont venus renflouer les caisses de l’Etat :
- Des droits sur l’entrée et la sortie des marchandises à destination ou venant des Provinces Unies
- Des subsides exceptionnels
- L’octroi de titres de noblesse et les revenus du domaine
Les archiducs ont également veillé à réaliser l’assainissement monétaire en interdisant la sortie des métaux précieux et en proscrivant la circulation des espèces étrangères de mauvais aloi, devenues assez abondantes à la faveur des hostilités.
Enfin, il devenait impérieux de se pencher sur l’organisation du crédit. En effet, depuis la désertion des financiers étrangers au cours de la seconde moitié du 16e siècle, les Juifs et les Lombards étaient les seuls à tenir des « tables de prêts » et pratiquaient sans vergogne des taux usuraires allant jusqu’à 40 %. Pour mettre fin à ces abus, l’archiduchesse chargea Wenceslas Cobergher, un ingénieur anversois, d’ériger des monts-de-piété où les petites gens pourraient emprunter sur gages à un taux réduit de 6 %.
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Wenceslas Cobergher | Le mont-de-piété de Bruxelles |
Source : Quand la Belgique était espagnole, p. 96 et 98
Le relèvement économique
Depuis la fermeture de l’Escaut et le déclin du grand commerce extérieur, il convenait de compenser la paralysie d’Anvers et la diaspora des marchands. Les archiducs favorisèrent, par conséquent le développement des industries de luxe :
- La verrerie à la manière de Venise
- Le tissage de la soie
- La dentellerie. En Flandre et en Brabant, quasi toute la main-d’œuvre féminine disponible s’y consacrait
- La tapisserie enrichissait particulièrement Bruxelles et Audenarde
- Le cuir doré à la mode de Cordoue
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La dentelière Toile de Johannes Vermeer |
Tapisserie murale Source : Bruxelles, où est le temps, p. 209 |
Dans les campagnes aussi, le travail reprit peu à peu
- En Campine, les paysans peuplèrent les grandes landes incultes avec des pins
- Les marécages (moeres) près de Furnes furent convertis en champs fertiles et en pâturages.
Afin de relancer les affaires, les souverains firent procéder
- A l’équipement des ports d’Ostende et de Dunkerque
- Au creusement d’un canal entre Gand et Ostende
- A l’organisation d’un service public de poste entre Bruxelles, Malines et Lille.
Au niveau politique

Ambroise Spinola
Source : Histoire de la Belgique
et de son expansion coloniale, p. 360
Les institutions traditionnelles furent maintenues mais perdirent progressivement leur pouvoir :
- Après 1600, les Etats Généraux ne furent plus convoqués avant 1632, les archiducs préférant traiter séparément avec chaque conseil provincial.
- Le Conseil Privé joua encore un rôle capital dans le pays mais le Conseil d’Etat avait perdu de l’importance depuis que l’Espagne détenait la direction de la politique extérieure.
- La noblesse fut écartée des 3 conseils collatéraux où siégeaient des fonctionnaires dévoués à la cause espagnole
- Des « Jointes espagnoles » (conseils) détenaient désormais les attributions principales de l’Etat
- Les Etats des provinces gardèrent leur autonomie ; leurs attributions furent toutefois limitées à des intérêts régionaux
- L’importance des corporations fut réduite.
Les archiducs étaient épiés par l’ambassadeur d’Espagne. Paradoxalement, ils disposaient de moins de pouvoir que les « Secrétaires d’Etat et de Guerre du Gouvernement des Flandres » qui étaient en correspondance directe avec Madrid. Les manettes du pouvoir politique ne leur étaient donc pas confiées de manière souveraine.
A Madrid, on intriguait contre Albert car on supportait mal que les Pays-Bas soient confiés à des souverains qui pourraient bien, s’ils avaient un jour des enfants, rompre les liens qui unissaient ces territoires à l’Espagne. Isabelle fut obligée de monter au créneau ; elle réussit de justesse à éviter la déposition de son mari.
Toutefois, Philippe III voulut mater l’esprit d’indépendance de l’archiduc Albert. Il lui enleva donc le commandement suprême de l’armée qu’il confia à Spinola. Cette tentative de reprise en main des Pays-Bas se solda par un échec car Spinola se considéra davantage comme ministre d’Albert que comme celui de Philippe III.
Mort de l’archiduc
L’archiduc Albert mourut le 13 juillet 1621, quelques mois après Philippe III. Avec lui disparaissait l’indépendance « simulée » des Pays-Bas espagnols. En effet, le couple n’ayant pas d’enfant, Isabelle redevint simple gouvernante générale et les Pays-Bas repassèrent sous le sceptre du roi d’Espagne, Philippe IV.
Inconsolable de la perte de son époux, Isabelle se revêtit de la robe grise des clarisses et se désintéressa des choses terrestres. Elle mourut à son tour le 1er décembre 1633 laissant le pays appauvri et sans défense malgré la sagesse de son gouvernement.
Epuisés financièrement, les Pays-Bas espagnols ne furent pas en mesure d’offrir à leur princesse les funérailles solennelles qu’elle méritait …
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Philippe IV Source : Wikipedia |
Isabelle en habits de clarisse Source : Wikipedia |