Les chartes
Parmi les nombreuses chartes dont se dotera la Principauté de Liège, nous en épinglerons trois qui figurent parmi les plus importantes :
- La charte de Huy
- La charte d’Albert de Cuyck
- La Paix de Fexhe
La charte de Huy (1066)
En 1053, la ville de Huy avait été incendiée à la suite d’une expédition du comte de Flandre, Baudouin V. Dans les années qui suivirent, Huy se releva peu à peu de ses ruines sous l’impulsion du prince-évêque Théoduin. Ce prélat décida de faire de la ville détruite un centre puissamment fortifié qui défendrait à la fois le passage de la Meuse et l’accès du Condroz et de l’Ardenne. La ville serait ainsi prémunie contre les ambitions territoriales des comtes de Namur et de Louvain ainsi que des expéditions militaires des comtes de Flandre et de Hainaut.
Sceau de Théoduin
Source : Wikipedia – Musée de Huy
Ce projet réclamait des sommes considérables dont le prince-évêque ne disposait pas. Il fit alors appel au concours financier des bourgeois de la ville qui acceptèrent de verser une contribution volontaire s’élevant à un tiers puis à la moitié de leurs biens meubles.
En remerciement et en compensation de cette aide financière, le prince-évêque octroya, le 27 août 1066, une charte de franchise aux bourgeois de Huy.
Cette charte de franchise faisait de Huy un endroit privilégié en regard des territoires voisins. Elle conférait aux habitants de la cité un statut de bourgeois particulièrement favorable à l’essor social et économique de la ville. Elle établissait :
- Le statut juridique des habitants
- Le droit et les procédures pénales (interdiction de vengeance privée et recours obligatoire aux tribunaux)
- Les procédures en matières civile et commerciale menant à un recours systématique au serment et aux cojurateurs, ainsi qu’à un meilleur fonctionnement du crédit
- Les obligations militaires des bourgeois qui ne devaient le service armé au prince-évêque que dans de rares cas.
Les droits seigneuriaux vis-à-vis des serfs étaient aussi limités, ce qui leur enlevait leur caractère arbitraire.
Le prince-évêque, en attribuant cette charte, voulait jouer la carte d’une bourgeoisie naissante pour se prémunir contre les féodaux voisins qui étaient beaucoup moins sûrs.
La charte d’Albert de Cuyck (1196)
Dans cette charte, Albert de Cuyck confirme et regroupe des libertés octroyées antérieurement aux Liégeois, c’est-à-dire
- La liberté individuelle
- L’inviolabilité du domicile
- Le droit d’être jugé par le tribunal des échevins.
Albert de Cuyck
Source : Nos Gloires – J-L Huens
Cette charte ne mentionne pas l’organisation politique de la Cité qui, à cette époque, reste gouvernée par des agents épiscopaux.
Voici les dispositions essentielles de la charte de 1196 :
- Les bourgeois (citains) de Liège ne sont tenus à aucune espèce de tailles, de corvées et de services militaires.
- Ils ne doivent suivre l'évêque à la guerre que si celui-ci, aidé de ses chevaliers et alliés, est impuissant à repousser l'ennemi, ou si un château du pays est pris, et cela encore, après un délai de quinze jours seulement.
- Nul ne pourra être arrêté ou détenu, si ce n'est d'autorité, c'est-à-dire par un jugement des échevins ; car les bourgeois ne sont justiciables que du tribunal échevinal ;
- La confiscation des biens ne peut être prononcée, même à l'égard des condamnés à mort, car la propriété des biens est déclarée inviolable.
- Celui qui acquiert un immeuble dans la cité et qui le possède pendant un an et un jour doit être maintenu dans sa possession.
- L'héritage du serf qui habite la cité appartient à sa famille.
- Le domicile est inviolable au point qu'il n'est permis ni au maïeur ni aux échevins d'entrer dans une maison, pour y appréhender un voleur ou opérer une saisie, sans le consentement de celui qui l'habite. Il est même défendu aux agents de la justice d'entrer dans une église, une taverne ou une maison pour sommer quelqu'un de comparaître devant le tribunal, faire une visite domiciliaire, ou pour tout autre motif semblable.
D'autres dispositions réglaient les rapports du clergé avec les citoyens ; d'autres encore réglementaient la vente des denrées alimentaires, dont elles fixaient un maximum de prix, et même, dans certains cas, la quantité qu'on en pouvait détenir dans les boutiques.
La Paix de Fexhe (1316)
Elle est l’aboutissement d’un chapelet de chartes obtenues dans le cadre des luttes que livrèrent les habitants de la Principauté de Liège contre les princes-évêques et les Grands afin d’équilibrer les libertés et privilèges offerts à toutes les classes sociales. Nous y reviendrons plus loin.