Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Le Règne d’Albert II

Albert II


Albert naît à Bruxelles le 6 juin 1934. Il est le troisième enfant du roi Léopold III et de la reine Astrid. En tant que fils cadet du Roi, Albert n’est pas destiné à régner. Il reçoit le titre de « Prince de Liège », la fonction royale étant réservée à son frère, Baudouin.

Une jeunesse bousculée

Dès son enfance, le jeune prince est exposé à des événements douloureux et difficiles :

  • En 1935, alors qu’il est âgé d’1 an à peine, sa mère trouve la mort dans un accident de voiture en Suisse
  • Dès l’âge de 6 ans, il est marqué par les événements pénibles de la Deuxième Guerre mondiale
  • Après le débarquement allié en Normandie, les nazis déportent la famille royale en Allemagne.
  • La controverse qui naît en Belgique à propos des actes de son père pendant la guerre, l’oblige à vivre en exil en Suisse pendant 5 ans
  • A son retour en Belgique, il est confronté à la pénible Question royale et la mise à l’écart de son père.
Albert et Astrid Mariage Albert et Paola
Albert et sa maman Mariage d'Albert et de Paola

Le 2 juillet 1959, le prince Albert épouse Donna Paola Ruffo di Calabria, une princesse italienne. Le couple princier a 3 enfants :

  • Philippe, né le 15 avril 1960
  • Astrid, née le 5 juin 1962
  • Laurent, né le 19 octobre 1963

Le prince de Liège au travail

Dès son retour d’exil en 1950, le prince entreprend une formation militaire dans la force navale. De promotion en promotion, il finira commodore en 1971.

A partir de 1954, il endosse plusieurs fonctions officielles :

  • La présidence du Conseil général de la Caisse Générale d’Epargne et de retraite (1954-1971)
  • La présidence de la Croix Rouge (1958-1993)
  • La présidence d’honneur de l’Office Belge du Commerce Extérieur (1962-1993). C’est à ce titre qu’il effectuera une centaine de missions économiques aux quatre coins du monde

Un trône inattendu

Prestation de serment d'Albert II
Prestation de serment d'Albert II

En vacances en Espagne, le roi Baudouin meurt d’un arrêt cardiaque. La Belgique est sous le choc et la surprise du peuple sera d’autant plus grande que le premier ministre, Jean-Luc Dehaene, annonce d’emblée que la charge royale sera reprise par le prince Albert. Il était pourtant de notoriété publique que le roi défunt avait pris son neveu, le prince Philippe, sous son aile pour le préparer à lui succéder. Mais la Constitution n’a que faire de ces « accords de famille » ; pour elle, l’héritier du trône est le plus proche parent, en l’occurrence le frère du souverain décédé et non son neveu.

Ainsi donc, à l’âge où la plupart des gens songent à la retraite, Albert II, âgé de 59 ans, s’apprête à embrasser un destin royal inattendu ; nombreux sont alors ceux qui pensent qu’il ne sera qu’un roi de transition avant de passer le flambeau à son fils au bout de quelques années. Il n’en sera rien !

Lorsqu’Albert II prête le serment constitutionnel le 9 août 1993, il sait que la tâche ne sera pas aisée :

  • Son frère, le roi Baudouin, jouissait d’une telle popularité qu’il sera très difficile de lui emboîter le pas
  • Très à l’aise dans les affaires économiques, il est toutefois mal préparé à la chose publique et a tout à apprendre des rouages de la politique
  • Le pays vient d’entrer dans l’ère du fédéralisme

Malgré sa réputation d’épicurien, Albert II est déterminé à prendre sa charge très au sérieux et saura imposer son propre style ô combien différent de celui de son prédécesseur !

Un roi proche de son peuple

Désireux de montrer à l’opinion publique qu’il assume ses fonctions à 100 %, Albert II développe une stratégie de présence sur le terrain et dans les médias qui ne tardera pas à renforcer l’adhésion de l’ensemble de la population. Doté d’une personnalité enjouée et d’une grande empathie, le Roi utilise l’arme de l’humour et du bon mot lors de chacun de ses contacts. Rapidement, le couple royal devient la coqueluche des Belges, n’hésitant pas à dialoguer et à prêter une oreille attentive aux récits du quotidien de leurs concitoyens et à se pencher sur les difficultés rencontrées par les plus démunis de la société.

Mais le Roi et la Reine sont aussi sur tous les lieux où se produit une catastrophe. En ces moments douloureux, le couple est réellement affligé et veille à réconforter les habitants durement frappés par les aléas de la vie tels que :

  • Des inondations et tornades
  • Des accidents ferroviaires ou de la route
  • Des explosions
  • Des tueries orchestrées par des déséquilibrés mentaux.
Albert et Paola Albert II La marche blanche
Le Roi et la Reine sur les lieux d'une inondation Le Roi s'entretient avec les sauveteurs La marche blanche

On ne peut, évidemment, s’empêcher d’évoquer la disparition et la mort d’enfants dans des circonstances horribles en 1995-96 (Affaire Dutroux). Les parents sont alors reçus au palais en toute simplicité et, à l’issue de cette rencontre, le roi décidera d’organiser une table ronde pour mettre les choses « à plat ». Deux jours plus tard, une marée blanche de 300.000 personnes déferlait sur Bruxelles …

En alliant son émotion à celle de la population, Albert II a forcé la main au politique pour que des responsabilités s’engagent et que des réformes nécessaires soient mises en œuvre pour éviter de pareilles tragédies. D’aucuns lui reprocheront cette intrusion dans la sphère politique mais le peuple, lui, a découvert son roi sous une nouvelle facette !

La complexité de la politique intérieure

Le royaume dont Albert II hérite n’est plus la Belgique de 1830 : son système politique est en pleine mutation. Il règne désormais sur un Etat fédéral dont il sera amené à signer la Constitution révisée le 17 février 1994.

La Belgique fédérale
La Belgique fédérale

Le Roi va parfaitement s’adapter à la situation ; il estime que son rôle principal sera d’encourager et de soutenir l’entente entre le niveau fédéral, les 3 régions et les 3 communautés. A ce titre, il n’aura de cesse de prôner une meilleure connaissance des 3 langues nationales et de dénoncer le séparatisme explicite ou larvé. Malgré les tensions communautaires de plus en plus vives, il réussit à maintenir une stabilité du pays dans la limite de ses prérogatives constitutionnelles :

  • S’informer pour avoir une connaissance parfaite de la situation politique
  • Conseiller ou déconseiller
  • Ne rien imposer

Ce sera durant les crises gouvernementales que le rôle politique du Roi manifestera indubitablement toute son utilité. Nous épinglerons, à cet effet, la ténacité avec laquelle il s’est impliqué dans 2 crises particulièrement difficiles, à savoir celles de 2007 et de 2010-2011.

Au lendemain des élections législatives de 2007, la formation du gouvernement coince autour de la problématique de BHV. Pour Albert II, un long exercice d’équilibre se profile, soucieux qu’il est de sauver le pays qui semblait partir à la dérive. Il fera preuve de beaucoup d’imagination et lancera des formules inédites pour se résoudre, en désespoir de cause, à confier la formation d’un gouvernement de transition au perdant des élections, l’ancien premier ministre Guy Verhofstad.

En juin 2010, l’équation semble une fois de plus impossible à résoudre : les sensibilités politiques au Nord et au Sud du pays divergent à un point tel qu’elles engendrent une très longue crise gouvernementale de 541 jours. La Belgique a ainsi eu le triste privilège de battre le record mondial du plus long blocage politique détenu jusqu’alors par l’Irak !

Discours du 21 juillet 2011
Discours du 21 juillet 2011

Albert II s’est impliqué avec ténacité et fermeté dans la gestion de cette crise en ayant recours à des formules diverses et variées : informateurs, préformateur, médiateurs, clarificateur et formateur ont été chargés tour à tour de trouver une issue à cet imbroglio, sans succès. On tourne en rond et la crise semble sans issue.

Le Roi emboîte alors le pas à la population qui s’impatiente et, lors de son discours du 21 juillet 2011, il siffle clairement la fin de la partie en adoptant un style nouveau : par une gestuelle et des termes forts, il n’hésite pas à rappeler les responsabilités des uns et des autres face aux dérives mettant la survie de l’Etat en danger.

« Je ne serais donc pas fidèle à mon rôle si je ne rappelais pas solennellement le risque que fait courir une longue crise à tous les Belges et si je n’exhortais pas à nouveau tous les hommes et toutes les femmes politiques et tous ceux qui peuvent les aider, à se montrer constructifs à trouver rapidement une solution équilibrée à nos problèmes »

Ce « ça suffit » implicite a été bien compris comme tel et a suscité un sursaut d’attitude dans le chef de certains responsables politiques. Quelques jours plus tard, les négociations reprenaient sur des bases plus positives …

L’heure de l’euro

C’est sous le règne d’Albert II que le bon vieux franc belge a cédé sa place à l’euro.

A l’instar de Rome, cette opération ne s’est pas faite en un jour. Partie intégrante de la réalisation d’un grand marché européen, la monnaie unique a fait l’objet de moult réunions et groupes de travail entre la Commission européenne et les représentants des Etats membres. Déjà signataire du Traité de Rome en 1957, la Belgique s’est inscrite sans hésiter dans le projet de l’euro, convaincue qu’elle était des avantages qu’il représentait pour son économie et ses citoyens, avantages parmi lesquels nous mettront notamment en exergue :

  • La suppression des frais de change pour les exportations à l’intérieur de l’Union européenne, ce qui représente un bonus non négligeable pour un pays exportateur tel que le nôtre.
  • Une facilité de paiement pour Monsieur Tout le Monde qui pourra voyager et payer dans tous les pays de la zone euro sans passer au préalable par un bureau de change.

 

Le franc belge L'euro
Billet de 2000 francs belges L'euro - Pièces et billets

Dès le 1er janvier 2002, les Belges ont ainsi découvert les nouvelles pièces et le design des nouveaux billets. Dans un premier temps, les prix furent affichés simultanément dans la nouvelle et dans l’ancienne monnaie. Par la suite, le réflexe de convertir les prix dans une monnaie plus parlante est resté particulièrement tenace dans l’esprit de la plupart des adultes, moins aguerris à des changements de cette ampleur. Au taux officiel, l’euro représentait 40,3399 BFr que, pour la facilité, tout un chacun a arrondi à 40 BFr. Les férus de calcul mental y ont vu un exercice de plus tandis que les moins matheux ont ressorti leur calculette …

Delphine !

Dans les années soixante, le couple princier a vécu séparé et fait les choux gras des journaux à sensation. Pendant cette période tumultueuse, le prince Albert aurait eu une liaison avec la baronne Sybille de Sélys-Longchamps ; l’idée d’un divorce a même été évoquée à l’époque, mais la raison d’Etat l’a finalement emporté et les choses sont rentrée dans l’ordre …

Delphine Boël
Delphine Boël

En 1999, coup de théâtre ! Une biographie de Paola publiée par un jeune journaliste flamand de 18 ans, Mario Danneels, révèle l’existence de Delphine Boël, fille naturelle d’Albert II, née de son idylle adultérine. Dans un premier temps, le Palais Royal refuse de communiquer arguant qu’il s’agit de ragots mais quelques mois plus tard, le Roi y fait une allusion dans son discours du 24 décembre 1999, sans vraiment reconnaître sa paternité :

« Cette fête de Noël est aussi l’occasion pour chacun d’entre nous de penser à sa propre famille, à ses périodes heureuses mais aussi à ses moments difficiles.

La Reine et moi nous nous sommes remémorés des périodes très heureuses mais aussi la crise que notre couple a traversée il y a plus de 30 ans. Ensemble nous avons pu, il y a très longtemps déjà, surmonter ces difficultés et retrouver une entente et un amour profonds.

Cette période de crise nous a été rappelée il y a peu. Nous ne souhaitons pas nous appesantir sur ce sujet qui appartient à notre vie privée. Mais, si certains qui rencontrent aujourd’hui des problèmes analogues pouvaient retirer de notre expérience vécue quelque motif d’espérer, nous en serions si heureux. »

Les choses ne sont pourtant pas aussi simples et l’affaire est loin d’être close, d’autant plus que Delphine se bat pour obtenir la reconnaissance officielle de sa filiation ! Gageons qu’un compromis honorable puisse un jour donner satisfaction aux uns tout en ménageant l’orgueil des autres …

L’abdication

La rumeur d’une possible abdication du Roi circulait depuis un bon moment, mais, à chaque fois, le Palais Royal la démentait fermement. En mars 2012, le journal « Le Soir » enfonçait le clou en annonçant que, de sources sûres, le Roi abdiquerait le 21 juillet 2013 pour des raisons de santé et de grande fatigue.

Le Roi s'adresse à la Nation
Le Roi s'adresse à la Nation

Le 3 juillet 2013, le Roi s’est adressé à la Nation et annonce officiellement son abdication pour le 21 juillet 2013. Contrairement à son habitude, il s’est exprimé debout, la voix empreinte d’émotion :

« Je constate que mon âge et ma santé ne me permettent plus d'exercer ma fonction comme je le voudrais. Ce serait manquer à mes devoirs et à ma conception de la fonction royale que de vouloir me maintenir en exercice à tout prix. Sans être en mesure d'assumer pleinement mon rôle, c'est une question élémentaire de respect envers les institutions et envers vous, chers concitoyens. Après vingt ans de règne, j'estime donc que le moment est venu de passer le flambeau à la génération suivante. Je constate que le prince Philippe est bien préparé pour me succéder »

(voir l’intégralité du discours en cliquant ici : Décision d’abdication d’Albert II)

La cérémonie d’abdication a lieu le jour de la fête nationale belge, dans la salle du trône du Palais de Bruxelles, en présence des membres de la famille royale, des responsables politiques et d’autres invités. Non sans émotion, Albert II prononce un dernier discours au cours duquel :

  • Il rend hommage au Premier ministre et à la classe politique pour le travail accompli
  • Il remercie chaleureusement la reine Paola pour son soutien au cours de ces 20 dernières années
  • Il s’adresse à Philippe, son fils, et lui réitère toute sa confiance
  • Enfin, il formule quelques « dernières recommandations »

puis signe l’acte d’abdication d’une main légèrement tremblante.

(Voir l’intégralité du discours en cliquant sur Le dernier discours d’Albert II).

Dernier discours d'Albert II Accolade entre Albert II et son fils Signature de l'acte d'abdication
Dernier discours d'Albert II Accolade entre Albert II et son fils Signature de l'acte d'abdication

Pour Albert II, la page est tournée. Dans un peu plus d’une heure, il applaudira la prestation de serment du 7ème Roi des Belges, le Roi Philippe

Tous les avis concordent pour affirmer qu’Albert II aura été un très grand roi !