Les Belges, leur histoire ...

et celle de leur patrie, la Belgique

Le contentieux communautaire devient un casse-tête

 

La Question Royale en Wallonie
La Question Royale en Wallonie

Source : Baudouin, l’homme qui ne  
voulait pas être roi, p. 120

Le clivage entre Flamands et Wallons donna lieu à un premier éclat dans les années qui suivirent la Deuxième Guerre mondiale. Le Nord et le Sud du pays se prononcèrent différemment sur le retour du Roi Léopold III engendrant de violentes émeutes en Wallonie. La Question Royale ne sera résolue que par l’abdication du Roi et l’accession au trône de son fils Baudouin 1er.

Au cours des années 1950, le contentieux s’aggrava entre les 2 communautés avec l’affirmation de la prééminence flamande et de la prise de conscience d’un problème wallon lié :

  • Aux difficultés économiques de la Wallonie
  • A la crise démographique.

Bien que les salaires soient encore plus avantageux en Wallonie et que le nombre de chômeurs soit supérieur en Flandre, il ne faisait plus aucun doute que la situation ne tarderait pas à s’inverser.

  • La Flandre se dotait d’industries modernes et supplantait la Wallonie où la grande industrie traditionnelle entrait en crise
  • Les Flamands représentaient désormais plus de la moitié de la population belge. Cette évolution se traduisait également à la Chambre où :
    • Les Flamands occupaient 104 sièges
    • Les Wallons occupaient 76 sièges
    • Les Bruxellois occupaient 32 sièges
Industrie flamande moderne
Industrie flamande moderne

D’autre part, les 2 communautés linguistiques se connaissaient mal et étaient confrontées à des facteurs psychologiques qui ne jouaient pas en faveur d’une meilleure compréhension :

  • Les Flamands continuaient à se sentir opprimés comme dans le passé bien que leur dynamisme économique et leur poids politique soit supérieur à celui des Wallons
  • Les Wallons se rendaient compte qu’ils étaient en train de perdre leurs avantages et se sentaient frustrés à leur tour.

Confronté habituellement à un clivage gauche-droite, le monde politique devait tenir compte maintenant d’un clivage nord-sud qui allait introduire la notion de « casse-tête communautaire » et allait faire tomber bien des gouvernements.

La fixation de la frontière linguistique

Frontière linguistique
La frontrière linguistique

Source : Histoire de Belgique en mots et en images, p. 260

Jusqu’en 1960, la frontière linguistique était flottante en fonction des résultats enregistrés lors des recensements décennaux. Le volet linguistique de cette étude ayant été supprimé sur insistance des militants flamands, la frontière fut tracée de manière définitive par la loi du 6 avril 1962. Toutefois, en vue de tenir compte de la réalité du moment, certains aménagements furent opérés tant du côté flamand que du côté wallon :

  • En Flandre Occidentale, les communes de Comines et Warneton sont annexées à la province du Hainaut car elles sont habitées par une majorité de francophones
  • Les Fourons (6 villages) situés dans la province de Liège sont annexés à la province du Limbourg au grand dam des habitants.

En 1963, le gouvernement chuta sur le régime linguistique à attribuer à Bruxelles. Une solution de compromis introduisit le « régime des facilités linguistiques » :

  • Le statut bilingue de Bruxelles fut introduit dans les 19 communes constituant l’agglomération de Bruxelles-Capitale qui ne pourra plus s’étendre. Les francophones lancèrent le terme de « carcan » pour désigner la volonté néerlandophone d’enfermer Bruxelles dans la région flamande sans la moindre possibilité d’élargissement.
  • Les francophones vivant dans 6 communes de la périphérie bruxelloise bénéficièrent d’un « régime de facilités ». Ils pourront :
    • S’adresser en français aux administrations
    • Placer leurs enfants dans des écoles maternelles et primaires francophones.
  • Quelques autres communes situées le long de la frontière linguistique bénéficièrent également d’un statut spécial.
La périphérie de Bruxelles
Les communes périphériques de Bruxelles

Les lois linguistiques provoquèrent de nombreux mécontentements au sein de la population :

  • Les partisans de la Belgique unitaire y voyaient la mort de la Belgique
  • Pour le Mouvement Flamand, ces lois étaient insuffisantes pour protéger la région flamande par rapport au processus de francisation de la périphérie bruxelloise. Par ailleurs, ils considéraient que les facilités accordées n’étaient que transitoires et qu’elles devaient uniquement permettre aux populations francophones à apprendre le néerlandais pour s’intégrer totalement dans des communes flamandes.
  • Les francophones de la région bruxelloise et des villages fouronnais  vivaient mal la fixation d’une frontière linguistique qu’ils considéraient comme arbitraire :
    • Près des 2/3 de la population des Fourons réclama en vain son retour à Liège
    • Les francophones, de plus en plus nombreux dans la périphérie bruxelloise, perçurent les facilités comme un droit permanent et non pas comme une concession temporaire
    • Dans d’autres communes du Brabant flamand la population francophone devenait de plus en plus importante et réclamait l’octroi de facilités linguistiques

Manifestation contre les facilités Les Fourons et le retour à Liège
Manifestation contre les facilités Les Fourons – Retour à Liège 
La Wallonie, son histoire 

 
La contamination communautaire s’étendit rapidement à diverses organisations nationales. Ainsi, la radio-télévision belge se scinda en 2 branches distinctes :

  • La Radio-Télévision Belge Francophone (RTBF)
  • La Belgische Radio- en Televisieomroep (BRT)
RTBF BRT
RTBF – Télévision francophone BRT – Télévision flamande 

L’affaire de Louvain

Université catholique de Louvain
L’université catholique de Louvain

L’Université Catholique de Louvain constituait un point sensible depuis plusieurs années car, bien qu’implantée en pays flamand, elle était bilingue et accueillait un grand nombre d’étudiants francophones.

Manifestatin des étudiants flamands à Louvain
Manifestation des étudiants flamands

Histoire de Belgique en mots et en images, p. 258

Depuis l’instauration des lois linguistiques, l’Association des Etudiants Flamands demanda la scission de l’université et le transfert de la section francophone en Wallonie. Lorsqu’en 1966, l’épiscopat se prononça en faveur du maintien de l’unité de l’université, le mécontentement se manifesta :

  • Les étudiants flamands se mirent en grève
  • Un député catholique flamand déposa un projet de loi pour imposer l’unilinguisme dans les universités
  • De grandes manifestations réclamèrent le déménagement de la section francophone de Louvain et le dédoublement de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), elle aussi bilingue.

Lorsqu’en 1968, un projet d’extension de la section francophone de Louvain envisagea des implantations en Wallonie tout en maintenant un enseignement en français à Louvain, les événements se précipitèrent :

  • Les affrontements devinrent extrêmement violents
  • Les professeurs flamands se mirent en grève à leur tour
  • Les étudiants flamands manifestèrent aux cris de « Walen Buiten » (Wallons dehors)
  • Le Parlement était en ébullition
  • Le parti catholique fut menacé d’éclatement et les ministres sociaux-chrétiens démissionnèrent entraînant la dissolution des Chambres.

L’expulsion des francophones démontra une nouvelle fois la puissance des Flamands et mit en évidence la minorisation des Wallons.

L’idée d’une réforme des institutions s’imposait avec force !

Flamands et Wallons